Pour comprendre Munich, il ne faut pas perdre de vue la catégorie dans lequel il s'insère. Ce film est en effet inspiré de faits réels, mais il ne reste qu'inspiré de sorte qu'il ne s'agit là que d'une fiction historique.
Le but n'a donc jamais été de raconter avec précision une histoire vraie. Le scénario a été conçu de manière à mettre l'accent sur les personnages plutôt que sur l'histoire. L'aspect psychologique est donc mis en exergue sur une toile de débats idéologiques, religieux, et historiques. Par ailleurs, le film puise sa source directement dans un roman intitulé Vengeance : The True Story of an Israeli Counter-Terrorist Team. Le scénariste Tony Kushner explique les lignes directrices de son travail en ces termes : « cette histoire est bourrée de paradoxes et de contradictions. Du fait qu'elle a trait à une opération secrète, nous ne disposons d'aucune information totalement fiable et nous n'en aurons sans doute jamais. Nous nous sommes donc octroyés le droit d'inventer et d'aborder de personnages sous un angle plus humain. Il me semble que nous donnons ici un exemple très scrupuleux de fiction historique... ».
Le film étant analysé au travers de ce
prisme, la virulence de certains à l'égard de l'oeuvre paraît comme excessive. On sait que Steven Spielberg a reçu de nombreuses menaces concernant son projet, et que le fait que les Israéliens aient donné la réplique à des Palestiniens sur le tournage a largement contribué à constituer une tension.
Cette tension se ressent largement dans la réalisation sombre, parfois violente, truffée de messages et de symboles idéologiques. En effet, à l'instar de La Guerre des mondes, Spielberg joue énormément sur le côté tragique. Le soin des couleurs et des images rappelle sans aucun doute Il faut sauver le soldat Ryan, et s'oppose assez nettement, de ce point de vue, à un style plus léger comme Le Terminal. Par conséquent, Munich est un film qui se veut sérieux et qui se prête au lyrisme bien connu du réalisateur : les dialogues sont travaillés, la musique signée par John Williams rajoute à la dimension de l'oeuvre, les personnages centraux sont parfois
idéalisés... Le début de l'oeuvre est un exemple flagrant de ce lyrisme et de cette manière de donner de l'importance aux choses, une importance nationale, puis mondiale. Pour ce faire, un moyen assez récurrent chez Steven Spielberg, suppléant le dialogue ou la voix off, consiste à faire parler les médias retransmis sur les télévisions du monde. L'effet est immédiat, le spectateur est face à un déluge d'images précises mais décousues, et placé malgré lui devant une réalité qui le dépasse.
Dans certaines scènes, le lyrisme prend une étrange tournure et son efficacité est contestable. Le caractère poétique d'une des scènes finales est quelque peu surfait : un montage alterné assez classique nous montre successivement le héros hanté faisant l'amour à sa femme et des images de la prise d'otages de Munich. Si l'atmosphère dramatique est bien rendue, le montage peut sembler injustifié à cause de l'absence de rapport narratif entre les plans. En plus de
son caractère érotique, la scène contient une certaine violence. Elle est cependant intéressante dans l'opposition iconique des plans alternés qui montrent que l'attentat de Munich a blessé le monde jusque dans l'intimité des foyers. On retrouve ici l'idée de Spielberg de donner aux événements une amplitude qui ne laissera pas indifférent le spectateur.
Malgré l'ambition de mettre l'accent sur la psychologie des protagonistes, Munich reste un film essentiellement idéologique qui a le mérite de mettre le doigt sur les incohérences du conflit israélo-palestinien.
Du reste, le récit est assez bien rythmé et ceux qui auront apprécié Arrête-moi si tu peux seront sûrement satisfaits par le scénario dynamique dans son montage, dans sa narration, et le mélange d’ingrédients comiques, dramatiques et politiques, autant de signes, diront certains, d'un cinéma populaire et efficace. Par ailleurs, certains
passages sont très touchants, et il est amusant de constater que les plus troublants sont probablement les plus réalistes (moment où Avner appelle sa femme qui vient de mettre au monde sa fille). Cependant Munich pèche un peu par son manichéisme (qui n'est pas propre à Spielberg) mettant en scène des personnages avec une psychologie assez primaire. Mais est-ce vraiment un défaut dans un cinéma qui se veut plus symbolique qu'objectif ? Le but n'est pas tant la recherche aiguë de la psychologie que l'expression d'une idée.
Munich est un film probablement plus intéressant d'un point de vue géopolitique que d'un point de vue moral. Il ne s'agit pas ici de discuter de la position de Steven Spielberg sur le conflit israélo-palestinien qui relèverait d'une étude approfondie et complexe.
De manière générale, l'esprit des personnages principaux est bon. Ils ont une mission à accomplir qui leur demande une
très grande prudence, une grande intégrité, mais aussi une obéissance aveugle aux supérieurs. Sur ce dernier point, les personnages seront face à de graves problèmes de conscience lorsqu'ils découvriront la nature exacte de leur mission. On peut se demander si le fait de traiter avec des personnages aux sources et aux méthodes douteuses est vraiment moral même s'il s'agit de parvenir à de bonnes fins. Il est vrai que dans ce genre d'entreprise, obtenir le maximum d'informations est primordial. Le scénariste met bien le doigt sur un point important : les relations au sommet entre les États. Beaucoup d'hommes servent leur pays sans vraiment savoir qui ils servent exactement. C'est de cette dépersonnalisation que le héros souffre. Il n'est qu'un pion sur l'échiquier mondial où de grandes puissances se soucient plus de leur image que du bien-être des individus. En tant qu'agent secret, la personne perd son individualité qui se confond avec celle de l'État. Pourtant, il peut mettre sa famille en
danger.
La violence et l'érotisme de certaines scènes devront détourner les plus jeunes de ce film. Il faudra par ailleurs bien faire la part des choses dans les scènes entre le héros et sa femme. Même si Spielberg tente de filmer de manière politique et symbolique, les images n'en sont pas moins dangereuses.
Jean LOSFELD
Le but n'a donc jamais été de raconter avec précision une histoire vraie. Le scénario a été conçu de manière à mettre l'accent sur les personnages plutôt que sur l'histoire. L'aspect psychologique est donc mis en exergue sur une toile de débats idéologiques, religieux, et historiques. Par ailleurs, le film puise sa source directement dans un roman intitulé Vengeance : The True Story of an Israeli Counter-Terrorist Team. Le scénariste Tony Kushner explique les lignes directrices de son travail en ces termes : « cette histoire est bourrée de paradoxes et de contradictions. Du fait qu'elle a trait à une opération secrète, nous ne disposons d'aucune information totalement fiable et nous n'en aurons sans doute jamais. Nous nous sommes donc octroyés le droit d'inventer et d'aborder de personnages sous un angle plus humain. Il me semble que nous donnons ici un exemple très scrupuleux de fiction historique... ».
Le film étant analysé au travers de ce
prisme, la virulence de certains à l'égard de l'oeuvre paraît comme excessive. On sait que Steven Spielberg a reçu de nombreuses menaces concernant son projet, et que le fait que les Israéliens aient donné la réplique à des Palestiniens sur le tournage a largement contribué à constituer une tension.
Cette tension se ressent largement dans la réalisation sombre, parfois violente, truffée de messages et de symboles idéologiques. En effet, à l'instar de La Guerre des mondes, Spielberg joue énormément sur le côté tragique. Le soin des couleurs et des images rappelle sans aucun doute Il faut sauver le soldat Ryan, et s'oppose assez nettement, de ce point de vue, à un style plus léger comme Le Terminal. Par conséquent, Munich est un film qui se veut sérieux et qui se prête au lyrisme bien connu du réalisateur : les dialogues sont travaillés, la musique signée par John Williams rajoute à la dimension de l'oeuvre, les personnages centraux sont parfois
idéalisés... Le début de l'oeuvre est un exemple flagrant de ce lyrisme et de cette manière de donner de l'importance aux choses, une importance nationale, puis mondiale. Pour ce faire, un moyen assez récurrent chez Steven Spielberg, suppléant le dialogue ou la voix off, consiste à faire parler les médias retransmis sur les télévisions du monde. L'effet est immédiat, le spectateur est face à un déluge d'images précises mais décousues, et placé malgré lui devant une réalité qui le dépasse.
Dans certaines scènes, le lyrisme prend une étrange tournure et son efficacité est contestable. Le caractère poétique d'une des scènes finales est quelque peu surfait : un montage alterné assez classique nous montre successivement le héros hanté faisant l'amour à sa femme et des images de la prise d'otages de Munich. Si l'atmosphère dramatique est bien rendue, le montage peut sembler injustifié à cause de l'absence de rapport narratif entre les plans. En plus de
son caractère érotique, la scène contient une certaine violence. Elle est cependant intéressante dans l'opposition iconique des plans alternés qui montrent que l'attentat de Munich a blessé le monde jusque dans l'intimité des foyers. On retrouve ici l'idée de Spielberg de donner aux événements une amplitude qui ne laissera pas indifférent le spectateur.
Malgré l'ambition de mettre l'accent sur la psychologie des protagonistes, Munich reste un film essentiellement idéologique qui a le mérite de mettre le doigt sur les incohérences du conflit israélo-palestinien.
Du reste, le récit est assez bien rythmé et ceux qui auront apprécié Arrête-moi si tu peux seront sûrement satisfaits par le scénario dynamique dans son montage, dans sa narration, et le mélange d’ingrédients comiques, dramatiques et politiques, autant de signes, diront certains, d'un cinéma populaire et efficace. Par ailleurs, certains
passages sont très touchants, et il est amusant de constater que les plus troublants sont probablement les plus réalistes (moment où Avner appelle sa femme qui vient de mettre au monde sa fille). Cependant Munich pèche un peu par son manichéisme (qui n'est pas propre à Spielberg) mettant en scène des personnages avec une psychologie assez primaire. Mais est-ce vraiment un défaut dans un cinéma qui se veut plus symbolique qu'objectif ? Le but n'est pas tant la recherche aiguë de la psychologie que l'expression d'une idée.
Munich est un film probablement plus intéressant d'un point de vue géopolitique que d'un point de vue moral. Il ne s'agit pas ici de discuter de la position de Steven Spielberg sur le conflit israélo-palestinien qui relèverait d'une étude approfondie et complexe.
De manière générale, l'esprit des personnages principaux est bon. Ils ont une mission à accomplir qui leur demande une
très grande prudence, une grande intégrité, mais aussi une obéissance aveugle aux supérieurs. Sur ce dernier point, les personnages seront face à de graves problèmes de conscience lorsqu'ils découvriront la nature exacte de leur mission. On peut se demander si le fait de traiter avec des personnages aux sources et aux méthodes douteuses est vraiment moral même s'il s'agit de parvenir à de bonnes fins. Il est vrai que dans ce genre d'entreprise, obtenir le maximum d'informations est primordial. Le scénariste met bien le doigt sur un point important : les relations au sommet entre les États. Beaucoup d'hommes servent leur pays sans vraiment savoir qui ils servent exactement. C'est de cette dépersonnalisation que le héros souffre. Il n'est qu'un pion sur l'échiquier mondial où de grandes puissances se soucient plus de leur image que du bien-être des individus. En tant qu'agent secret, la personne perd son individualité qui se confond avec celle de l'État. Pourtant, il peut mettre sa famille en
danger.
La violence et l'érotisme de certaines scènes devront détourner les plus jeunes de ce film. Il faudra par ailleurs bien faire la part des choses dans les scènes entre le héros et sa femme. Même si Spielberg tente de filmer de manière politique et symbolique, les images n'en sont pas moins dangereuses.