Ida

Film : Ida (2013)

Réalisateur : Pawel Pawlikowski

Acteurs : Agata Kulesza (Wanda), Agata Trzebuchowska (Anna/Ida), Dawid Ogrodnik (Lis), Jerzy Trela (Szymon)

Durée : 01:19:00


ATTENTION CET ARTICLE REVELE L’HISTOIRE

 

 

Ida a tout du film d’auteur marginal : une production modeste, une esthétique hors du temps, un sujet capilotracté. Pawel Pawlikowski réalise ici son quatrième long métrage (My summer of love, La femme du Vème...) mais son premier film réalisé en Pologne, malgré ses origines. 

 

Le cinéaste revient sur la Pologne des années 60 qu’il a connue jeune. Pour ce faire, il lui a semblé évident de faire le film en noir et blanc et au format 4:3. Il en résulte un film éminemment photographique avec des plans exclusivement fixes et très peu de découpage des scènes. Si les plans sont bien éclairés, le cadrage est par moment assez étonnant. Pawlikowski a souhaité sortir de la routine en cadrant de manière originale et intuitive. Néanmoins, on ne parvient pas à justifier, d’un point de vue purement esthétique, les nombreux cadres qui coupent les visages. Certains plans fonctionnent bien mais d’autres donnent une véritable impression d’amateurisme quand bien même ce serait volontaire pour rendre les plans plus dynamiques. Souvent les cinéastes préfèrent utiliser la lumière, les clairs obscurs, pour habiller les visages, ce qui nous semble esthétiquement plus judicieux que la coupe franche. Une raison intellectuelle aurait pu le justifier, comme, par exemple l’idée de garder le haut du visage pour suggérer l’esprit… mais Pawlikowski prétend avoir procédé intuitivement.

 

Le scénario aurait mérité d’être plus profond, d’autant que le film ne dure qu’1h20, ce qui laissait beaucoup de marge. Le réalisateur semble avoir davantage travaillé sur le rendu des ambiances que sur l’histoire en elle-même. Ida est une nonne sur le point de prononcer ses vœux perpétuels. Elle découvre qu’elle a des origines juives, mais on ne peut pas dire que le film porte sur l’identité religieuse. Il pose les termes mais Ida qui ne parle quasiment jamais ne révèle aucune intention de découvrir une autre religion. Ce qui l’intéresse est de retrouver la tombe de ses parents.

 

De même, Pawlikowski prétend explorer la notion de foi et le rapport qu’entretient la Pologne avec la religion catholique. Mais la thèse du cinéaste n'apparaît pas clairement et offre peu d’éléments de lecture. En réalité, comme il le dit dans un entretien, il s’agit davantage d’une aventure filmique que d’une aventure intellectuelle. Les événements du récit semblent gratuits ou mis au service pur de l’émotion. On s’interroge sur l’apport du film pour le spectateur. Il ne traite pas de la notion de foi et de ses mystères et il aborde à peine la question du doute. Un court métrage aurait probablement suffit (mais on n’en est pas loin) en mettant l’accent sur le choix final d’Ida. Cette dernière a été dans un couvent toute sa vie et elle découvre le sentiment amoureux lors de son voyage. Sa tante, athée et très tourmentée, ne comprend pas pourquoi une si jolie fille s’enfermerait à vie dans un couvent. Ida qui expérimente finalement l’amour et la force de la concupiscence en détermine rapidement les limites. Après s’être abandonnée au jeune musicien qu’elle a rencontré, elle lui demande ce qui va se passer. Acheter une maison, avoir un chien… « et après ? »... après les ennuis comme tout le monde lui répond l’amoureux. Ida reprendra finalement l’habit…

 

D’un autre côté, le suicide de la tante Wanda (remarquablement mis en scène et qui rappelle celui de Matteo dans le film italien Nos meilleures années de Marco Tullio Giordana) exprime la vacuité de sa vie. Noyée dans le chagrin et la culpabilité, elle s’est coupée de toute forme d’amour, ce qui ne manquera pas d’affecter profondément Ida.

 

Cette thématique rappelle, en plus expéditif, le message d’À la Merveille de Terrence Mallick qui explorait la différence entre l’amour humain et l’amour divin : si l’amour humain offre de nombreuses satisfactions, il ne serait que l’avatar d’un amour plus grand qui transcende tous les autres, l’amour divin. 

 

Cependant, ce type de sujet ne peut être traité uniquement sur le plan émotionnel. Le film Ida se contente de son histoire stylisée mais n’apportera rien de plus au spectateur.