M : I : 3

Film : M : I : 3 (2005)

Réalisateur : J.J. Abrams

Acteurs : Tom Cruise (Ethan Hunt), Philip Seymour Hoffman (Owen Davian), Michelle Monaghan (Julia), Ving Rhames (Luther Stickel), Jonathan Rhys-Meyers (Declan), Maggie Q (Zhen)…

Durée : 02:06:00


Troisième long-métrage de la saga Mission Impossible, M: I: 3 a été confié au talent de J. J. Abrams, créateur des
séries télé à succès Felicity, Alias, Lost. Enthousiasmé par cette dernière série, l’acteur-producteur Tom Cruise, qui disait souvent vouloir un cinéaste au style cinématographique fort et différent pour chaque film, demanda donc au jeune réalisateur de prendre les commandes de cette super-production (150 millions de dollars, un record pour un premier film). En l’occurrence, il s’agit indéniablement d’un pari gagné.

Il est donc intéressant de constater que l’engouement d’Hollywood pour la télévision n’est pas un vain mot… au point d’ouvrir le chemin au cinéma grand public. Et, dans le cas particulier de ce film, l’influence d’Alias (de l’action, du roman familial, le tout saupoudré d’humour léger) se fait très claire, donnant pour ce film un résultat surprenant, hybride mais heureusement très réussi. Les fans de la série se plairont à découvrir les nombreuses ressemblances et lieux communs d’avec les aventures de Sidney Bristow… Scène d’ouverture en « flash-
forward », révélant avant l’heure Ethan Hunt en position délicate, double vie, entre métier d’espion et vie de couple, traîtres, etc… Les scènes d’action s’enchaînent à un rythme effréné, sans un temps mort ni une bavure, certaines étant même d’anthologie (l’infiltration du Vatican) ; le montage contribue pour beaucoup à la nervosité du récit : par exemple une même action est envisagée de différents points de vue, parfois filmée à même l’épaule, et portée par une bande-son dynamique (la libération musclée d’Owen Davian ou encore la course sur les berges de Shanghaï…). Le film cloue littéralement le spectateur à son siège, avec d’autant plus de plaisir qu’il est réalisé avec une once d’ironie, accumulant les invraisemblances (des situations aux rebondissements) comme si on voulait nous faire comprendre que, comme dans les feuilletons, tout cela n’est pas sérieux…

Il faut considérer que le film joue à fond la carte du divertissement spectaculaire. Il éclipse
volontairement la complexité des personnages et des rapports qui les unissent ; autant de choses qui n’ont guère le temps de se développer, alors que le fractionnement en épisodes permet justement la création d’une tension supplémentaire… Ici le cinéma est réduit à un pur spectacle explosif. De plus, l’intrigue se fait comédie, bourrée de dilemmes creux rapidement expédiés.

Le casting se révèle être de choix : les seconds rôles, bien que généralement de peu d’envergure, sont convaincants et tenus par des acteurs reconnus (Jonathan Rhys-Meyers, Laurence Fishburne, Ving Rhames). Le méchant du film est interprété par le récemment oscarisé Philip Seymour Hoffman, très à l’aise bien que sous-utilisé, dont l’aura éclipse la star Tom Cruise lors des scènes de confrontation. Le seul bémol à apporter quant au jeu des acteurs est celui du héros… Cruise semble monté sur ressort, surjoue avec une absence totale d’humour et de finesse, et surtout monopolise l’écran avec
aplomb. La starisation de M: I: 3, notamment du fait des millions qu’il y injecte, lui permet de bâtir un temple à sa propre gloire… et le résultat est totalement égocentrique et contre-productif.

La nouvelle situation matrimoniale de M. Hunt l’oblige à concilier son rôle de mari et son métier d’agent spécial. L’action commencée par une soirée organisée pour les fiançailles d’Ethan se referme sur le départ du couple en lune de miel. Toutefois le spectateur se lasse rapidement des relations entre les tourtereaux. Le mariage tourne au burlesque, alors qu’il se voudrait bon enfant : la « cérémonie » se fait à la va-vite dans une salle d’opération, des porte-clés en guise d’alliance, devant un prêtre plutôt désinvolte… L’égocentrisme de Tom Cruise-Ethan Hunt lui évite toute manifestation de tendresse et d’amour ultérieure, la capture de sa femme étant l’argument clé justifiant les situations les plus dangereuses et l’élaboration des plans les plus irréalisables.
L’intrigue familiale est donc simpliste, ce qui est dommage puisqu’elle consiste en un des éléments les plus intéressant de la saga Mission : Impossible.

Destiné au grand public, le film se veut lisse : pas de scène choquante, pas d’hémoglobine, disparition hors-champ du méchant à la suite d’une bagarre classique et sans envergure. Certes la violence est omniprésente mais sans être sujet à débat, parfois agaçante du fait de la nervosité de l’agent Hunt (lors de l’interrogatoire de Davian).

Ethan se montre entêté mais courageux, bref « tête brûlée »… Il monte une opération rocambolesque pour sauver son ex-élève Lindsey, retenue en otage, et tente désespérément de l’arracher à une mort inévitable. Il parvient de même à fédérer son équipe dans le but de sauver sa femme, tout cela dans l’irrespect des ordres de sa hiérarchie, qu’il croit infiltrée… Tout porte à croire que la fin justifie les moyens, et de
cette maxime l’agent Hunt fait presque une règle de vie.

Stéphane JOURDAIN