Nos enfants

Film : Nos enfants (2014)

Réalisateur : Ivano De Matteo

Acteurs : Alessandro Gassman (Massimo), Giovanna Mezzogiorno (Clara), Luigi Lo Cascio (Paolo), Barbora Bobulova (Sofia)

Durée : 01:32:00


Inspiré d'un fait réel survenu en 2005, où trois garçons de bonne famille avaient battu et mis le feu à une clocharde, Le dîner d'Herman Koch, paru aux Pays-Bas en 2009, n'avait pas encore connu d'adaptation cinématographique.

Soyons clairs, cette adaptation cinématographique est très libre mais, dans l'ensemble, on en retrouve les problématiques et, en particulier, l'idée phare : jusqu'où des parents sont-ils prêts à faire une entorse à la morale pour la protection de leurs enfants ?

Pendant toute la (longue) première partie du film, Ivano De Matteo pose le décor. D'un côté un avocat brillant et soi-disant peu scrupuleux, de l'autre un chirurgien altruiste. Cette première étude de caractère est passionnante. Car à choisir entre les deux, le commun des mortels se rangera sans aucun doute aux côtés du second. Pourtant, son altruisme repose tout entier sur sa sensiblerie. Son cœu-coeur lui dicte sa conduite. Il doit opérer un enfant dont le père a été tué par le client de son frère (oui je sais, prenez quelques minutes pour comprendre si besoin !). Il est tout entier dévoué à cet enfant et déteste son frère qui défend l'assassin. L'esprit formé, celui qui sait se tenir en dehors des sentiments trompeurs, sait pourtant que le pire assassin a le droit d'être défendu. Mais ici le film semble inviter à prendre en grippe ce riche opportuniste qui lui sert d'avocat. « Semble » écrivé-je, car son apparente hostilité de départ est une feinte. La situation de départ sera bientôt bouleversée.

Les enfants des deux frères commettent en effet l'irréparable. Comment les deux vont-ils réagir ?
À suivre notre instinct, on pourrait penser que le chirurgien, révolté par le comportement de ses enfants (faisons confiance à son cœur gros comme ça), prendrait sur lui de rétablir la justice en dénonçant ses enfants à la police. On pourrait également penser que l'avocat sans scrupule se battrait pour faire étouffer l'affaire. Oui, seulement voilà : il est temps que l'esprit de justice prenne le pas sur la sensiblerie.

Car l'avocat a un authentique esprit de justice. Lui, qui passe pour le salaud, est en réalité un homme d'une grande droiture. Il sait que défendre un assassin est une chose légitime tant que le mensonge ne s'en mêle pas. Il sait aussi que la justice réclame de livrer sa fille et son neveu aux autorités. Mais  son frère, ce soi-disant altruiste, ne l'entend pas de cette oreille.
Cet homme, bon en apparence, n'a pas l'esprit de justice. Il ne tiendra pas le choc. Le combat qui se livre en lui est un combat totalement émotionnel. C'est la mort d'une innocente contre le lien du sang. La clocharde contre son enfant. Et comme on peut s'en douter, la paternité ne peut que remporter la partie. Dans ce cœur palpitant, la justice a perdu d'avance, c'est ainsi…

Ce genre d'analyse est si fine qu'elle mérite d'être soulignée. À une époque où la sensiblerie est reine dans les meilleurs milieux, le film revisite avec brio l'éternelle opposition entre Corneille et Racine dans une tragédie authentique où la passion le dispute à la raison.

Si le rythme du film est parfois souffreteux, si la mise en contexte est un peu lente, il en ressort une œuvre vraie qui met le spectateur face à lui-même. Car notre humanité nous place continuellement dans cette position délicate d'avoir à choisir, et ceux d'entre nous qui font le choix de la raison se trouvent systématiquement fustigés par ceux qui ont couronné leur cœur des joyaux du sentiment...