Stone

Film : Stone (2010)

Réalisateur : John Curran

Acteurs : Robert de Niro (Jack Mabry), Edward Norton (Gerald Stone Cresson), Milla Jovovitch (Lucetta Cresson), Frances Conroy (Madylyn Mabry)…

Durée : 01:45:00


Le coup d’œil du critique :

Il s’agit d’une adaptation
cinématographique de la pièce homonyme de Angus MacLachlan. Le réalisateur John Curran avait déjà réalisé We don’t live here anymore avec Mark Ruffalo et Laura Dern et Le voile des illusions avec Naomi Watts et (déjà) Edward Norton. Le casting du film est prestigieux puisqu’il compte Robert de Niro, monstre sacré que l’on ne présente plus (Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, Taxi driver de Martin Scorcese, Les incorruptibles de Brian de Palma) dans le rôle de l’officier de probation Jack Mabry, Edward Norton (American history X de Tony Kaye, Fight club de David Fincher) dans le celui du prisonnier Stone espérant sa libération et Milla Jovovitch (révélée par Le 5e élément de Luc Besson et surtout connue pour la tétralogie Resident evil) qui incarne la belle épouse de Stone bien décidée à obtenir la liberté de son mari par tous les moyens. Le film avait tout les ingrédients du thriller classique à l’américaine, mais s’avère en fait être un drame psychologique sur fond de questionnement sur la nature
humaine, la repentance, le rapport à la foi religieuse. Autant de thématiques intéressantes qui auraient pu être mieux traitées. En effet, l’histoire se traîne mollement, sans rythme, n’accroche pas le spectateur et sombre par moments dans le pathos. Du reste, il n’y a guère d’émotion qui se dégage de ce film qui est pourtant justement censé en produire. De plus, les motivations des personnages restent relativement floues tout autant que leur évolution tout au long du film, ce qui fait que l’on a la désagréable impression, à l’issue du film, qu’il ne s’est rien passé à l’écran. En effet, aucune précision ne nous est donnée sur le fait que chacun des deux personnages soit éventuellement arrivé ses fins, ait pu trouver ou non le bonheur. Cela fait que l’on finit par se désintéresser de ces deux personnages pourtant fort bien interprétés par Robert de Niro et Edward Norton. Ajoutons que ces protagonistes rassemblent beaucoup de clichés, Mabry incarnant le vieux professionnel désabusé et presque indifférent à
tout, Stone le jeune loup manipulateur et audacieux. Cela n’aurait pas été gênant si le film avait présenté de vrais enjeux dramatiques, ce qui n’est pas le cas.

Le thème saillant du film est l’évolution respective de Jack Mabry et de Stone face à leurs pratiques respectives de la foi. Jack Mabry est un épiscopalien pratiquant qui ne trouve plus dans son église le réconfort qu’il recherche et qui s’interroge sur sa religion tandis que Stone, criminel en voie de rédemption, découvre le sens des paroles bibliques dans la bibliothèque de la prison, découverte qui modifie fortement son attitude face à son éventuelle libération. Deux parcours parallèles différents mais complémentaires qui auraient pu être fort intéressants à observer mais ne l’est pas faute de conviction et de vrais enjeux. On ne saura pas si l’un et l’autre sont arrivés au bout de leur questionnement et ont
trouvé la paix dans la foi, tout reste vague et ambigu. Cela est très frustrant d’autant plus que le film nous rabâche régulièrement une voix off provenant de la radio et relatant des sermons d’une église chrétienne dont on ne sait absolument quel est leur rôle dans l’histoire ni ce qu’il faut en penser (les approuver ? les rejeter ? y rester indifférent ?). Quant à Lucetta, l’épouse agréable mais sans scrupule et instable de Stone, elle constitue évidemment un lien net entre les deux hommes puisqu’elle séduit Mabry en vue d’obtenir plus sûrement la libération de Stone. Ce qui aboutit à une éprouvante scène d’adultère (que le film semble cependant réprouver en en montrant les mauvaises conséquences). Ses motivations profondes et sa nature sont elles aussi très ambiguës et ne seront guère éclaircies à la fin du film même si leurs caractères ambivalents sont clairement montrés tout au long du film. « Lucetta ressemble à une enfant innocente par moments, mais elle peut aussi être très sensuelle, d’une séduction
presque animale » déclara Milla Jovovitch à ce sujet (DP). Une femme-enfant doublée d’une femme fatale en somme, personnage classique qui semble uniquement cantonné à son statut de séductrice immature. Ses rapports avec Stone sont tout aussi ambigus car si elle désire sincèrement le voir recouvrer la liberté, elle le trompe sans vergogne et pas uniquement pas obligation stratégique. Ce manque de clarté des personnages et des situations fait que l’on ne sait pas vraiment où veut aller le film. Le rapport au sens éthique est tout aussi trouble, la scène de l’adultère entre Mabry et Lucetta synthétisant clairement cette imprécision. Si Mabry regrette assez vite l’acte commis, on se demande si c’est par honte de la faute ou par déception de s’être fait manipulé. On ne sait pas non plus ce qu’en pense exactement Stone, ni si Madylyn, la femme de Jack, l’a découvert et ce qu’elle en pense réellement. En fait, le film semble bien montrer une incompréhension profonde entre les personnages. Incompréhension que
partage le spectateur.


Francis