Blood Diamond

Film : Blood Diamond (2006)

Réalisateur : Edward Zwick

Acteurs : Leonardo DiCaprio (Danny Archer), Djimoun Hounsou (Solomon Vandy), Jennifer Connely (Maddy Bowen)…

Durée : 02:22:00


Projet polémique s’il en est, Blood Diamond ose le grand
divertissement spectaculaire à propos d’un des conflits les plus odieux de la fin du XX° siècle : la guerre civile qu’a connue la Sierra Leone, attisée par la voracité que suscitaient les incroyables richesses minières de ce pays, l’un des plus pauvres du monde. Une telle entreprise (100 millions de dollars de budget consacrés à un pays dont le PIB est de 700 millions…) a le grand mérite de faire exister de la plus médiatique des façons le calvaire de cette petite contrée, sa portée étant renforcée par les talents d’un réalisateur très hollywoodien (Edward Zwick) et les prestations saisissantes d’un trio d’acteurs inspirés.

 

 

 

Les diamants de sang (nom qui leur a ét&
eacute; attribués par Amnesty International) sont ces pierres précieuses, « exportées en secret de pays en conflit, et qui servent à acheter quantité d’armes », explique Edward Zwick.

 

Le scénario du film est en lui-même épuré, pour ne pas dire simpliste. Les méchants sont bien sûr les rebelles, dont le chef sadique épargne Solomon Vandy pour l’envoyer aux mines de diamants. Ces troupes hétéroclites ont en commun une férocité et une brutalité inouïes, massacrant pour le plaisir leurs compatriotes et dansant sur leurs cadavres au son d’une musique avilissante poussée à plein volume. L’armée gouvernementale, débordée, tire sur tout ce qui bouge. Les rapaces
diamantaires londoniens sont les véritables bénéficiaires de cette guerre. Bref, le scénario brosse à grands traits une guerre bien plus complexe qu’elle n’est présentée à l’écran, mais ce choix permet de se focaliser davantage sur les trois héros du film, chacun poursuivant sa propre quête en s’appuyant sur les autres.
 

 

Tantôt portée à l’épaule, dans le feu de l’action, tel un documentaire, tantôt suspendue devant des paysages magnifiques et des scènes plus tranquilles, la caméra transporte le spectateur de rebondissements en dénouements sur le fil, de la violence la plus affolante à l’apaisement le plus serein. La violence est &
agrave; propos très présente à l’écran, de façon extrême, si bien qu’elle plane, menaçante, à chaque instant de répit. Jouant à fond sur la carte du spectaculaire, Blood Diamond est aussi remarquable d’efficacité discursive, malgré quelques longueurs qui, à défaut d’ajouter, n’enlèvent rien à l’intérêt de ce film militant.

 

« La conscience politique peut être éveillée par une œuvre de divertissement autant que par des discours ». Ainsi le réalisateur explique le pourquoi de son œuvre, en
soulignant modestement qu’il n’a pas pour but de faire changer le monde mais de faire entendre sa voix. La polémique suscitée par Blood Diamond dans les milieux des diamantaires, qui se sont empressés d’expliquer que leur politique trouble relevait du passé, a montré que le film avait atteint ce but. Le générique de fin fait appel à la bonne conscience du consommateur pour ne pas acheter des diamants de conflit...

 

Ce cri d’alarme ne doit pas uniquement être interprété d’un point de vue matériel. Edward Zwick s’est en effet posé la question de savoir ce qui fait le but d’une vie. En effet, le film raconte le parcours commun de trois personnages aux aspirations divergentes : pour le père de famille, c’est
retrouver son fils et mettre les siens à l’abri. Pour la journaliste, il s’agit de publier un scoop qui contribuerait à changer le regard des gens sur le conflit. Pour le mercenaire, le diamant est son issue de secours... Et il est intéressant de constater que l’être le plus civilisé, le meilleur des trois est l’Africain, fils d’un pays livré à des mains étrangères. Si chacun se sert des autres, ainsi que le constate amèrement Danny Archer, la belle figure du père de famille tire vers le haut ses compagnons de route, et entre autres Archer vers une rédemption inattendue.

 

Coiffant la casquette de journaliste militant, le réalisateur s’attarde aussi sur le drame des enfants soldats, abrutis de drogue et d’alcool, dressés à
tuer par des brutes sanguinaires autoproclamées commandant ou colonel. La structure familiale traditionnelle n’en paraît que plus fondamentale, sa beauté étant célébrée dans le vibrant monologue d’un père tenu en joue par son fils prodigue.

 

Les trois personnes centrales sont certes de purs produits hollywoodiens : le père de famille prêt à tout pour son fils, si bon et civilisé qu’il ne saurait mentir de lui-même (contraste étonnant avec l’homme blanc qui pille son pays); la journaliste idéaliste, capable de prouesses autant que de douceur et d’émotions ; le mercenaire endurci, tueur expéditif et endurci, qui se lie
progressivement avec ses compagnons. Mais les acteurs sont très convaincants, DiCaprio se distinguant une fois de plus par une présence forte et une maturité séduisante, la progression du personnage étant le fil conducteur du projet politique du film.


Moins pince-sans-rire qu’un Lord of war, sérieux et bouleversant, Blood Diamond est une œuvre qui mêle avec réussite spectacle et réflexion.  


 

NB : citations tirées des
notes de production.
Stéphane JOURDAIN